Livre : Beauté fatale

Le mois dernier, j’ai beaucoup lu. Je tiens ma résolution de ne lire que des livres écrits par des femmes. Que j’ai d’ailleurs élargie en décidant de ne regarder que des séries et des films soit réalisés ou produits par des femmes, soit avec au moins une femme comme personnage principal, ou qui traitent de discriminations que subissent d’autres groupes. J’ai adoré Fleabag et Big Little Lies, que je recommande vivement, même si ce n’est pas en français. Et l’on peut trouver des listes en ligne de séries et de films réalisés par des femmes sur Netflix. Je les ai mis dans ma liste.

J’ai adoré tous les livres que j’ai lus en janvier et je ne saurai dire lequel j’ai préféré, car ils m’ont tous apporté quelque chose de différent.

Mais j’ai découvert l’écriture de Mona Chollet, journaliste et essayiste suisse que j’avais déjà écoutée dans un podcast et que j’avais trouvée fascinante. J’ai plusieurs livres d’elle qui m’attendent, mais j’ai commencé pas Beauté fatale, un livre qui parle de l’industrie de la beauté et de ce qu’elle fait aux femmes en particulier et à la société en général. C’est un livre tellement riche en informations et tellement profond et juste dans sa réflexion que je ne sais pas par où commencer pour en parler. Cela fait deux ou trois semaines que je veux écrire un post à ce sujet, mais il y a trop de choses à dire et j’ai été un peu bloquée.

Mona Chollet analyse les diktats de la beauté et démontre comment l’industrie de la beauté s’est infiltrée dans nos vies et participe au sexisme ambiant. Comment nous, les femmes, en sommes arrivées à détester notre corps car il ne correspond pas aux images dont nous sommes matraquées à longueur de temps et dont on nous dit qu’elles sont les seules représentations de la beauté possibles, et que, évidemment, toute femme qui se respecte doit aspirer à être aussi belle que possible. 🤮

A travers sept chapitres, elle analyse les discours publicitaires, les séries télé, la presse féminine, des enquêtes sociologiques, des témoignages de mannequins et autres, et nous explique comment le monde dans lequel nous vivons nous pousse à nous détester, à être mal dans notre peau, à ne voir notre valeur que dans le regard des hommes, et ainsi à être éternellement soumises et subordonnées.

J’aime penser que je suis plutôt intelligente et que j’ai toujours été féministe. Mais si je veux être honnête, j’ai longtemps pensé que ma valeur était dans le regard des hommes. J’ai toujours détesté me faire emmerder dans la rue, mais adolescente, si j’avais peur quand les hommes me faisaient des commentaires sexistes dans la rue, des “compliments” selon eux, j’étais aussi immensément flattée de l’attention, car j’étais persuadée d’être moche comme un pou. Si un homme, aussi moche et dégueulasse soit-il me remarquait, c’est que peut-être je n’étais pas aussi horrible que ça. Complètement tordu, non ? J’ai un peu envie de vomir en y repensant, et je suis ravie d’avoir évolué et d’avoir arrêté de penser de cette manière il y a bien longtemps (et de ne plus avoir peur de dire aux hommes d’aller se faire mettre tout en leur montrant mon majeur) mais j’ai compris maintenant pourquoi je ressentais ce besoin de validation, et pour en avoir discuté avec beaucoup de femmes, je sais que je n’étais pas la seule. Et je sais aussi que même si les choses évoluent et que les nouvelles générations sont plus “woke”, il y a encore trop de femmes qui pensent que leur valeur ne peut être validée que par le regard des hommes, qui se retrouve dans la mode, à la télé, au cinéma, dans la pub, et partout en fait.

Mona Chollet parle plus spécifiquement de la France dans son livre et comme pour beaucoup de mes autrices préférées, son regard critique est en plein dans le mille.

Dans le premier chapitre, elle parle de la série Mad Men. Je ne l’ai pas vue et je la regarderai si je prends ma retraite un jour et que j’ai plus de temps, mais elle m’a été recommandée par plusieurs amis dont j’approuve les gouts en général. Mona Chollet la décrit assez bien pour que l’on puisse comprendre que la série se déroule dans les années 60, à une époque où le sexisme régnait et où j’aurais détesté vivre.

Puis elle écrit : “On reste donc pantois en découvrant, lorsque le phénomène déferle pour de bon sur la France, à l’automne 2010, sur quoi se fonde l’engouement pour Mad Men : sur les jolies robes. Sur le style. Couturiers et magazines de mode se sont emparés de l’univers de la série, à laquelle ils multiplient les hommages. “Quelle jeune femme d’aujourd’hui n’a pas envie d’un brushing impec et de jolis ongles carmin ? C’est l’effet Mad Men ! s’extasie Elle. “Alors que nous vivons aujourd’hui dans un monde où le style casual est devenu la norme, Mad Men ressuscite une période où chaque femme faisait l’effort de s’habiller avec soin pour mettre en valeur sa féminité” écrit L’Express Styles.” (🤢🤢🤢 = moi)

Et voici une petite capture d’écran avec des passages que j’ai surlignés pour moi-même.

Tout ça se trouve dans les premières pages du livre. J’ai été happée immédiatement.

Du début à la fin, c’est un livre fascinant.

Livre : Moi, Tituba, sorcière… Noire de Salem

Jusqu’ici, je suis très fière de moi car je tiens parfaitement ma résolution pour 2020. Le premier livre écrit en français que j’ai lu cette année, c’est un livre dont j’ai lu l’incipit sur le compte Instagram de Lauren Bastide, journaliste qui anime l’excellent podcast La Poudre. J’ai eu immédiatement envie de le lire.

J’ai découvert une autrice que je ne connaissais pas, dont je n’avais jamais entendu parler alors qu’elle a produit un œuvre conséquent et qu’elle a eu une carrière remarquable. Tituba a été écrit en 1986. Maryse Condé a terminé sa carrière comme professeure à l’université Columbia de New York, ce qui n’est pas rien quand même.

À travers ce livre, j’ai pu prendre la mesure de mon ignorance et du fait que l’on nous apprenait vraiment peu de faits intéressants à l’école et qu’on se gardait bien de nous présenter des auteur·e·s risquant de nous faire trop réfléchir. En cours d’histoire, tous les personnages historiques dont on nous parlait et nous vantait les mérites étaient des hommes. On nous vantait aussi les bienfaits de la colonisation, en passant sous silence la barbarie de cette époque. On apprenait surtout l’histoire de France, dans laquelle la traite négrière était évoquée vite fait, sans trop s’attarder. On évoquait l’histoire américaine mais je n’ai pas vraiment de souvenirs précis.

Plus tard, adolescente/jeune adulte, je regardais Charmed à la télé. J’ai toujours adoré les histoires de magie et de sorcières, de The Craft à Harry Potter. J’ai entendu mille fois parler des sorcières de Salem et de la chasse aux sorcières. Mais, j’ai un peu honte de l’avouer, je n’avais jamais compris que c’était vraiment arrivé, ni ce que les procès des sorcières de Salem avaient vraiment représenté. Jusqu’à la lecture de Tituba !

Dès que j’ai compris que le livre n’était pas que fictionnel, j’ai commencé à faire quelques recherches sur Internet et j’ai halluciné. Le livre de Maryse Condé est une fiction inspirée par le personnage de Tituba, esclave ayant réellement existé au 17e siècle qui a été l’une des trois premières accusées des procès en sorcellerie de Salem. Beaucoup des personnages de ce récit d’esclave ont réellement existé. Beaucoup des faits se sont vraiment passés.

Ce récit est d’une extrême violence, et le personnage de Tituba est d’une puissance extrême.

Ce livre m’a fait faire quelques pas de plus dans mon féminisme et j’espère continuer à avancer tout au long de cette année, grâce à toutes ces femmes qui disent des choses importantes depuis longtemps mais qui ont rarement été mises en avant et que je n’ai pas encore découvertes.

Voici l’incipit. Peut-être vous donnera-t-il autant envie de le lire qu’à moi (c’est une capture d’écran de mon Kindle, d’où la phrase coupée en plein milieu, désolée) :

Livre : Le Consentement

Hier, à la fin de mon post, je parlais de l’affaire Matzneff, dont tous les médias parlent en France depuis quelque temps. La raison pour laquelle de vieilles vidéos ressortent et qu’on reparle de ce criminel, c’est un livre qui vient de paraitre : Le Consentement, de Vanessa Springora.

Je me le suis évidemment procuré à mon retour de vacances. Je me suis couchée assez tard jeudi soir. Je venais de terminer un livre génial, dont je parlerai bientôt, et j’avais l’intention de lire quelques pages du livre de Vanessa Springora avant de dormir. Deux heures et quelques plus tard, je terminais le livre, en essayant de retenir mes larmes. Il était 3h du matin et j’avais cours à 8h. Pas grave, le weekend allait bientôt commencer.

Dans ce livre, Vanessa raconte son histoire, et plus particulièrement sa relation avec cet écrivain célèbre, pédocriminel notoire, rencontré à l’âge de 13 ans alors que lui en avait 50, et qui a abusé d’elle, avec son consentement.

C’est un livre horrifiant et poignant. Tout au long de la lecture, je me demandais quel était ce monde dans lequel nous vivions. Ce monde dans lequel tant d’adultes (parents inclus) savaient et n’ont rien fait pour protéger cette enfant. Tant de monde savait qui était cet homme puisqu’il écrivait ses crimes dans des livres, dont le fait qu’il se rendait à Manille aux Philippines et y payait des petits garçons pour coucher avec eux, et qu’il avait, en 1977, lancé une pétition pour rendre légales les relations sexuelles entre adultes et enfants (la liste des signataires de cette pétition fait froid dans le dos).

Tant de monde savait et personne n’a rien fait. Et je suis persuadée que ce n’est pas la dernière histoire de ce genre qu’on entendra, mais avec chaque femme (ou homme en fait) qui ose témoigner, le pouvoir de ces monstres diminue et j’espère vivre assez longtemps pour voir un jour un monde dans lequel ce genre d’abus ne sera plus possible et où l’argent, le pouvoir, la notoriété ne protègeront plus personne face à la justice.

Ce livre était tellement nécessaire à cette pauvre France qui est toujours en retard sur tout.

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Depuis mon retour de vacances, je regarde toutes les vidéos que je peux trouver autour de cette histoire, je lis tous les articles sur lesquels je tombe et j’écoute des podcasts qui traitent du sujet. Je recommande vivement cet épisode de Programme B d’ailleurs.

Après toutes les vidéos que j’ai visionnées ces derniers temps, je suis encore plus convaincue que Matzneff hait les femmes (“une fille très jeune est plutôt plus gentille même si elle devient très très vite hystérique et aussi folle que quand elle sera plus âgée” – mots prononcés par ce pervers dans l’émission Apostrophes en 1990, en réponse à Bernard Pivot qui lui demandait pourquoi il s’était spécialisé dans les lycéennes et les minettes. 🤮)

Sinon, j’ai bien aimé cette vidéo.

Cet homme est indéfendable, mais certaines réflexions émises en ligne par des anonymes, mais aussi par des personnalités connues, me poussent à penser que sa chute soudaine, après une vie d’impunité, en dérange plus d’un. Reste à se demander pourquoi.

La France, tu l'aimes ou tu la fermes

C’est le titre d’un livre écrit par Rokhaya Diallo, journaliste française qui présente également le podcast Kiffe ta race, dont j’avais déjà parlé ici.

Rokhaya Diallo est noire, musulmane et féministe. J’adore l’écouter parler et j’admire la patience dont elle fait preuve quand elle se retrouve face à des idiots qui lui disent qu’ils comprennent ce que c’est d’être traité différemment car ils sont roux ou gaucher, comme si c’était comparable au racisme auquel les Noirs sont confrontés en permanence depuis si longtemps. Je n’exagère pas, j’ai vu une interview d’elle sur YouTube pendant laquelle ses interlocuteurs, blancs évidemment, lui disaient en gros qu’elle exagérait et que tout le monde était victime de discrimination – l’une en donnant ses cheveux roux en exemple, et l’autre le fait d’être gaucher. 😲

Elle parle de sujets très tabous en France, qui dérangent beaucoup : le racisme systémique et la fragilité blanche, l’identité française, l’obsession avec l’islam et l’islamophobie flagrante, la répression de l’Etat, le féminisme, l’appropriation culturelle, le privilège blanc, et elle fait des parallèles avec les Etats-Unis.

Cette année, j’ai écouté tous les épisodes de Kiffe ta race, j’ai lu le livre de Trevor Noah, Born a Crime, celui de Reni Eddo-Lodge, Why I’m no longer talking to white people about race, et je viens de terminer celui de Rokhaya Diallo. Et je trouve incroyable qu’il n’y ait pas plus de gens qui réagissent et toujours autant de gens dans le déni.

Que ce soit en Afrique du Sud, en Angleterre, aux Etats-Unis ou en France, le racisme est partout, il est systémique, institutionnalisé, et c’est tellement évident. Et si aux Etats-Unis le racisme anti-Noirs est de plus en plus difficile à nier et que le concept de privilège blanc apparait de plus en plus dans les débats publics, en France, on n’en est pas encore là. En France, le mot race a été éliminé de la constitution, donc il ne peut pas y avoir de racisme. Voilà le raisonnement. 😱

Et c’est pour ça que je pense que le travail de Rokhaya Diallo est très important et même indispensable. Elle tient un discours très clair et très cohérent. Très pédagogique aussi. Si mieux comprendre la France vous intéresse, je vous recommande vivement de lire son livre. Je l’ai découverte cette année alors qu’elle milite depuis des années, et j’ai bien l’intention de découvrir ses autres écrits et le reste de son travail.

Elle appartient à ces personnes qui me font réfléchir et me poser des questions que je ne m’étais jamais vraiment posées jusqu’à récemment.

Elle est française et elle est noire. Sa nationalité est sans cesse remise en question et elle doit sans cesse se justifier d’aimer la France quand elle la critique. Je suis française et je suis blanche. Je critique la France depuis toujours. D’ailleurs, je l’ai quittée pour ne jamais y retourner. Personne n’a jamais remis ma nationalité en question. Pourtant, je suis certaine qu’elle aime la France plus que moi et que c’est pour ça qu’elle se bat autant pour la rendre meilleure.

Blog féministe

Si vous êtes toujours à la recherche de contenus en français et que vous n’avez pas toujours le temps de lire un livre, il existe de nombreux blogs en plus d’Instagram et autres réseaux sociaux.

Un que j’aime particulièrement, c’est celui de Fiona Schmidt, journaliste féministe engagée et rigolote, dont j’ai découvert l’existence en début d’année et dont j’avais déjà parlé ici.

Elle y parle de charge mentale, de charge maternelle, de règles, de contraception, de féminicides, et plus généralement de féminisme. Je suis super fan de la personne et de son travail, j’adore la lire et je l’ai écoutée dans deux podcasts cette année (ici et ici), et je sais pas ce que ça dit de moi que je la trouve si fantastique car je lui trouve énormément de points communs avec… moi. 🙂 Elle est plus drôle et écrit mieux, mais elle a fait des choix de vie très semblables aux miens et dès qu’elle dit quelque chose, je suis complètement d’accord. J’ai aussi l’impression qu’elle a passé plus de temps que moi à réfléchir à toutes ces questions féministes et arrive à formuler ses pensées plus clairement et beaucoup plus calmement que moi. Moi, j’ai encore du mal à garder mon calme et à me retenir d’insulter les gens qui pensent que les femmes doivent absolument avoir des gosses, rester à leur place, ne pas faire trop de bruit, ne pas avorter, faire la cuisine, faire le ménage, qu’elles sont des hystériques quand elles n’apprécient pas les “compliments” d’inconnus dans la rue, etc.

Je suis moins souvent confrontée au sexisme ordinaire ici car je sors peu, je ne me suis jamais fait ennuyer dans la rue (on me regarde parfois avec insistance, mais c’est pour mon côté étranger plutôt que mon côté femme je pense) et je suis en général avec mon mari. Mais ça ne veut pas dire que je ne rencontre jamais d’idiots que j’ai envie de gifler. Pas plus tard que la semaine dernière, un homme, un Français, m’a dit qu’il faudrait que mon mari ait plus de contrôle sur moi. Le type, je ne le connaissais de nulle part, et je venais de lui expliquer ce que je faisais comme boulot, que je ne voulais plus travailler pour des écoles qui n’apprécient pas le boulot des profs et que j’aimais ne pas avoir de patron et être libre d’organiser mon boulot et ma vie comme je le souhaitais. Et il s’est permis cette réflexion super déplacée et je me suis sentie bouillir à l’intérieur. J’avais tellement envie de lui hurler dessus (de lui en coller une pour être honnête en fait), mais j’ai au moins fait ce progrès (est-ce un progrès ?), je parviens à contenir ma colère en public. Puis j’ai bu, beaucoup trop, pour oublier. Et à la fin de la nuit, je n’avais pas oublié, j’étais ivre et toujours furieuse, mais j’ai pris mon téléphone dans le taxi et j’ai parcouru le compte Instagram de Fiona et ça m’a fait du bien. La France a désespérément besoin de femmes comme elle (et d’autres dont je parlerai plus en détail bientôt) car les mentalités évoluent si lentement. Et même quand ils ne vivent plus en France depuis plusieurs années, ils exportent apparemment cette culture réactionnaire. 🤮

Petite consolation : j’ai discuté avec une Japonaise en fin de nuit, et j’ai un peu oublié notre conversation, mais mon mari, qui lui n’était pas ivre, m’a dit que quand elle avait mentionné vouloir un copain français, je lui ai fait le portrait le plus négatif qu’il soit possible de faire des hommes français. Apparemment avec de grands gestes et un visage horrifié.

Bien sûr, tous les hommes français ne sont pas comme cela, mais il est indéniable qu’il y a une façon de penser et de concevoir le genre et les rôles de chacun bien spécifique à la France et j’admire toutes ces femmes qui luttent au quotidien pour faire changer les choses en France. Fiona est l’une d’elle. Si ces thèmes vous intéressent, vous pouvez vous abonner à sa newsletter et la suivre sur les réseaux sociaux.

Mrs Roots, blogueuse afroféministe

J’ai découvert l’autrice Laura Nsafou en écoutant un podcast parlant de livres pour enfants et de représentations, dans lequel elle parlait d’un livre qu’elle a écrit et qui a été publié l’an dernier : Comme un million de papillons noirs. Je n’ai pas encore lu le livre, mais j’espère le trouver à la bibliothèque de l’Alliance française.

Un très bon copain avec qui je parlais de divers sujets il y a quelques mois me disait qu’il n’avait jamais pensé à l’idée des représentations à la télé, au cinéma, dans les livres, etc. Qu’il n’en avait jamais souffert petit. Que ça n’avait jamais été un sujet pour lui. On pourrait penser qu’il est blanc et hétéro, et pourtant, il est à moitié asiatique (et a subi des discriminations à cause de sa moitié asiatique dans sa vie personnelle) et homosexuel. Mais il a grandi dans un contexte international, dans plusieurs pays, éduqué dans des écoles internationales, et a un côté très solitaire. Pour ma part, je ne sais pas quand j’ai commencé à réfléchir à tout ça, mais il est clair que ce n’est pas une question qui me tracassait quand j’étais enfant. Je m’identifiais sans souci aux princesses Disney, même si je m’identifiais plutôt aux dessins animés japonais en fait, dont les personnages étaient plutôt blancs avec les yeux clairs et les cheveux de toutes les couleurs. Mes yeux étaient clairs et j’attendais de grandir pour pouvoir me teindre les cheveux en violet ou en bleu (ce que j’ai fait évidemment). Mais je n’ai pas le souvenir d’un personnage de couleur ou issu d’une minorité. Ou tout simplement différent. Pour Pocahontas et Mulan, j’étais déjà un peu grande. Je me souviens vaguement d’une série avec un garçon atteint du syndrome de Down, aucun souvenir de personnages homosexuels, et à part dans le Cosby Show et le Prince de Bel Air, je ne crois pas qu’on voyait beaucoup de noirs à la télé. Bref, il n’y avait pas beaucoup de diversité à la télé dans le monde dans lequel j’ai grandi. J’ai déjà écrit un post pour dire qu’on étudiait peu de, voire aucune écrivaine au lycée, même en section littéraire, et en fait, je n’ai pas le souvenir d’avoir étudié d’auteurs de couleur non plus. J’ai lu Dumas, mais je n’ai appris que bien plus tard qu’il était noir. Et je ne l’ai même pas appris à l’école. Et en fait, comme on étudiait seulement des écrivains hommes et blancs, je n’ai jamais imaginé que Dumas pouvait être autrement.

Je faisais partie de la majorité et j’étais élevée avec les valeurs de la société sexiste française. Tout me semblait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pas tout à fait vrai, mais je ne souffrais pas du fait de ne pas être représentée dans les œuvres de fiction en tout cas. J’avais d’autres préoccupations. Et je n’y pensais pas vraiment.

Pour beaucoup de personnes en France, ce n’est toujours pas un problème. Elles ne veulent pas voir ou admettre qu’il y a un problème. Elles pensent qu’on ne devrait pas parler d’homosexualité à l’école, ni de racisme et d’inclusion. Les raisons varient. J’en ai entendu quelques-unes.

Sur son blog, Laura Nsafou se revendique comme dangereusement afroféministe. Son slogan : Ecrire. Pour qu’il ne soit plus possible de dire encore une fois : Je ne savais pas.

Elle publie sporadiquement. J’ai lu quelques articles. Je trouve qu’elle dit des choses intéressantes. Son article sur le Sensitivity Reader et le faux débat de la censure m’a beaucoup plu.

J’ai aussi remarqué que sur amazon.fr, pour son livre, le nom de l’illustratrice (blanche avec un nom très français) apparaissait avant le sien, celui de l’autrice, qualifiée de contributrice (!!) et sur la page des commentaires, il a complètement disparu !

Est-ce une erreur ou ont-ils peur que son nom ait l’air trop étranger pour donner envie au public français ? Cela nous donne-t-il de quoi juger Amazon ou nous pousse-t-il à nous poser des questions sur la société française qu’Amazon juge apparemment trop raciste pour vouloir lire à ses enfants un livre écrit par une noire ? On peut penser que je suis cynique, mais j’ai du mal à penser que ce soit une erreur.

Fred Vargas

Connaissez-vous ce nom ?

Plusieurs de mes étudiantes ont mentionné avoir lu un ou plusieurs livres de cette auteure. Je n’en avais jamais lu jusqu’à récemment mais comme c’est une auteure très connue, traduite à l’international et qui a été récompensée par plusieurs prix, je me suis dit que ce serait bien de la découvrir.

J’ai lu beaucoup de livres policiers dans ma jeunesse, et même si j’en lis beaucoup moins maintenant, je prends toujours plaisir à lire un bon livre policier. Je savais que Vargas écrivait des livres mettant en scène des personnages récurrents, et je me suis dit que j’allais commencer par le premier avec le commissaire Adamsberg : L’homme aux cercles bleus, écrit en 1991.

Je l’ai en fait acheté sur Audible car je me suis dit que ce serait facile à écouter pendant que j’accomplirais des tâches ménagères, dans la rue, dans les transports, ou même en faisant du sport.

J’ai tout d’abord pensé que le lecteur était mauvais car je me suis ennuyée à mourir dès le début. Je n’ai pas vraiment accroché avec sa voix, son débit, son style de lecture. Je n’osais pas penser qu’une écrivaine si populaire puisse m’ennuyer autant. Et pourtant, plus l’histoire avançait et plus j’hésitais à continuer. L’histoire n’avait ni queue ni tête, je trouvais les personnages terriblement rasoir, les dialogues improbables, le style assommant… Bref, je ne suis pas fan.

J’ai ensuite pensé que c’était peut-être à cause du fait que ce livre datait. Il parle d’un monde avant Internet, avant les téléphones portables, en France (toujours 10 ans en retard sur les Etats-Unis, donc on a facilement l’impression que c’est encore plus vieux que ça ne l’est vraiment), et je me suis dit que j’essaierai de lire un autre livre d’elle, plus récent. Ce que j’ai confié à une de mes étudiantes qui a lu plusieurs livres de cette auteure. Elle m’a répondu que ce n’était pas la peine car son style n’avait pas changé avec les années !

Alors j’attendrai d’être à la retraite et d’avoir lu tous les livres que je veux vraiment lire avant de me lancer dans un deuxième Vargas. Autant dire qu’il est peu probable que je le fasse.

Je sais qu’il en faut pour tous les goûts et qu’il y a surement des auteurs que j’adore qui déplaisent à d’autres, mais il y a tellement d’excellents écrivains de livres policiers qui peuvent vous tenir en haleine du début à la fin que j’ai vraiment du mal à comprendre son succès.

L’amour après me too

Si vous me lisez régulièrement, vous savez à quel point les droits des femmes (et de tous les groupes discriminés) est un sujet qui me préoccupe et le mouvement me too (balance ton porc, en France) a éveillé en moi une sorte d’espoir que je n’osais plus éprouver et une énorme envie de m’instruire pour comprendre pourquoi et comment les femmes sont toujours si mal traitées au 21ème siècle. Et bien que je ne vive plus en France depuis longtemps, je sais que la France est particulièrement sexiste et rétrograde en matière de droit des femmes. Que beaucoup de femmes françaises ne sont pas féministes et défendent “l’amour à la française”, qui pourrait se résumer grossièrement à “les hommes sont des mâles avec des besoins auxquels les femmes devraient répondre avec le sourire et elles devraient même se sentir flattées d’obtenir leur attention”. Je caricature à peine. Bien sûr, ce n’est que ma perception personnelle, et bien sûr, tous les hommes ne sont pas des porcs et beaucoup de femmes veulent l’égalité et veulent de débarrasser du patriarcat. Mais mon sentiment, c’est que c’est encore plus difficile en France que dans d’autres pays occidentaux de se sortir de cette mentalité d’un autre temps.

J’ai lu récemment un livre très agréable à lire, écrit par la journaliste Fiona Schmidt (dont par ailleurs j’adore le compte Instagram bordel de mères, sur la charge mentale liée à la maternité, qui s’adresse à toutes les femmes sans exception) et qui traite du sujet de la séduction (hétérosexuelle) en France après me too.

Elle aborde le sujet sur le ton de l’humour. Elle parle des réactions au mouvement me too en France. Car bien sûr, en France comme ailleurs, beaucoup d’hommes ont réagi bizarrement suite aux milliers de témoignages de femmes qui racontaient leurs expériences de harcèlement sexuel et autres violences subies. Ce que ça a pu m’énerver à chaque fois que j’ai entendu quelqu’un dire, “oh mais on peut plus parler à une femme, c’est trop risqué”, ou quelque chose du même acabit.

Elle donne des conseils aux hommes sur comment se comporter vis-à-vis des femmes. Ce n’est que du bon sens, mais malheureusement, il semblerait que le bon sens fasse défaut à tellement de personnes. Si vous ne savez plus comment parler à une femme parce que vous avez peur qu’elle vous accuse de harcèlement sexuel, peut-être devriez-vous repenser votre façon de parler aux femmes, non ? Si vous êtes respectueux, n’y mettez pas les mains sans y être invité, ne faites pas de blagues ou de réflexions à connotation sexuelle malaisantes, et prenez un sourire et un comportement amical pour ce qu’ils sont et rien d’autre, autrement dit pas une invitation à coucher, vous devriez vous en sortir indemnes.

Ce livre est assez court, 160 pages et se lit vite. Je l’ai lu un samedi après-midi, d’une traite. Certaines références sont très françaises et vous échapperont peut-être, mais le thème est universel, même si elle parle surtout de la situation en France. Elle appuie ses arguments et les chiffres qu’elle donne avec une bibliographie solide et beaucoup de notes de bas de page qui renvoient à des articles et des études.

Chanson Douce

C’est le titre d’un livre que j’ai lu récemment, écrit par Leïla Slimani, et qui m’a beaucoup plu.

Il n’est pas très épais (256 pages pour le format poche) et je l’ai lu en 3 sessions. J’ai eu du mal à le poser les deux premiers soirs car j’avais vraiment envie de continuer mais il se faisait vraiment tard.

Chanson Douce a obtenu le prix Goncourt en 2016, prix littéraire qui existe depuis plus d’un siècle et qui est perçu comme le plus prestigieux.

Je n’approuve pas le système des prix littéraires, que je trouve absolument ridicule tellement il est subjectif, mais j’avais envie de lire ce livre car l’histoire me donnait envie et je ne regrette pas.

L’histoire commence ainsi : “Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu’il n’avait pas souffert. On l’a couché dans une housse grise et on a fait glisser la fermeture éclair sur le corps désarticulé qui flottait au milieu des jouets. La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés. Elle s’est battue comme un fauve. On a retrouvé des traces de lutte, des morceaux de peau sous ses ongles mous.”

On est immédiatement plongé dans le drame et l’horreur. La nounou a tué les deux enfants. C’est ce que l’on apprend dès le premier chapitre. Puis, au deuxième chapitre, on retourne en arrière, au moment où Myriam et Paul essaient de trouver une nounou pour leurs deux enfants car Myriam va reprendre le travail et ils ont besoin de quelqu’un pour s’occuper des enfants. Et à partir de là on va suivre l’évolution de la relation entre la famille et la nounou. On comprendra petit à petit l’histoire de cette nounou. On sait ce qu’elle va finir par faire, mais on ne peut pas s’empêcher de ressentir de la pitié pour cette femme qui souffre.

Je ne veux pas trop en révéler, mais c’est un livre qui tient en haleine jusqu’à la fin. Il parle de souffrance et d’exclusion sociale, de ce monde curieux dans lequel on vit, où les femmes privilégiées peuvent mener la vie qu’elles souhaitent grâce à d’autres femmes qui ont souvent très peu et qui sont prêtes à beaucoup pour gagner leur vie et un peu de respect qu’elles n’obtiennent pas toujours.

L’écriture est très agréable et le livre se lit très facilement. Recommandé dès le B2 !

Le racisme en France

Le weekend dernier, je mentionnais le podcast Kiffe ta race, et j’expliquais qu’en France, on est vite mal à l’aise quand on aborde le thème des races.

Diriez-vous que le racisme est systémique dans votre pays ? Est-il réservé à l’extrême-droite ?

Le mois dernier, j’ai fait travailler un étudiant avec cette vidéo, que j’avais trouvée très intéressante. Je ne connaissais pas cette autrice mais cela m’a donné très envie de lire son livre. Il n’est malheureusement pas disponible en version numérique. Il faudra que j’aille voir s’ils peuvent me le commander dans une librairie ici, ou que je me le fasse apporter par des amis qui viennent me rendre visite cette année.

Je n’ai évidemment pas la même expérience que Jo Güstin, car je suis blanche et la seule discrimination à laquelle j’ai été confrontée et le suis toujours, c’est le sexisme. Mais je n’ai aucun mal à comprendre ce qu’elle explique car j’ai des yeux et des oreilles et qu’ils fonctionnent très bien. J’ai grandi en France, et depuis que je travaille exclusivement comme prof de français, j’essaie de suivre les actualités françaises et de me tenir au courant de l’évolution de la société française. J’y suis retournée plusieurs fois depuis que j’ai quitté le pays et j’y ai des amis. Je le dis depuis toujours, le racisme est partout en France. Tout comme le sexisme.

Bien sûr, on trouve du racisme partout. J’ai vécu dans plusieurs pays, je l’ai remarqué partout. Mais est-ce une excuse ? Et la façon dont il est exprimé est-elle la même partout ? J’ai encore beaucoup à apprendre sur ce sujet, mais le peu de littérature que j’ai lue et mon expérience personnelle me poussent à croire qu’en France, le racisme est pire que dans beaucoup d’autres pays à majorité blanche. Ou peut-être que je regarde la France avec des yeux plus critiques car j’en viens. Mais comme l’explique le podcast Kiffe ta race, en France on veut nier la différence au nom d’un égalitarisme très français et par conséquent, on ne nomme pas les choses telles qu’elles sont et beaucoup se laissent endormir et choisissent de croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, tout le monde est l’égal de son voisin en France, il n’y a pas de races, donc pas de racisme, et la vie est belle. Sauf que ce n’est pas du tout la réalité de la France ! Toutefois, ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, ne s’instruisent pas et sont prêts à croire tout et n’importe quoi, tant que ça ne dérange pas leur petit confort, et finissent par laisser des commentaires sur YouTube tels que : “Tout cela est dans ça tête il ý à des gents qui sont mal dans leurs peaux partout dans le monde nous ne sommes pas plus racistes que les autres pays arrêter avec çà celà devien insupportable”. (J’ai laissé les fautes de français, vous pouvez vous amuser à les corriger)

Si le rythme de l’interview est un peu difficile pour vous, voici les questions de la journaliste pour vous aider. Essayez de comprendre les réponses !

  • Comment s’est passée votre intégration en France ?
  • Et tout ça est arrivé quand vous êtes arrivée en France ?
  • Alors, quand on lit votre livre, Sissi, votre personnage principal, elle a pour projet d’écrire un livre qu’elle intitulera « on est en France ici », une lettre d’adieu à la France. « J’irai à la rencontre de plusieurs Françaises non blanches et les interrogerai sur les rapports douloureux ou forcés qu’elles entretiennent avec l’institution France » Par rapport à ce que vous m’avez répondu à la première question que je vous ai posée, vous vous êtes donc inspirée de votre vécu pour écrire ce livre, mais quelle est la part d’autobiographie et de fiction dans ces cas-là ?
  • Vous vous attendiez à être racisée ? Je rappelle qu’une personne racisée est une personne qui subit le racisme systémique. Vous vous attendiez à ça ?
  • Tout ce qui vous a fait mal et tout ce sentiment de mal vivre en France dont vous parlez dans votre livre ?
  • Vous avez choisi, malgré tout ça, de vous faire naturaliser française. Comment réagissez-vous quand vous voyez ce qui s’est passé dimanche dernier, le rassemblement national qui arrive en tête des élections européennes, vous qui avez déjà vécu tout ça, qui avez quand même choisi de vous faire nationaliser française, vous en pensez quoi ?
  • Alors pourquoi finalement, vous avez choisi de vous faire naturaliser française ?
  • Vous avez mis du temps à accepter d’être lue par qqn d’autre que votre maman et que votre cousine. Qu’est-ce que qui a fait que vous avez eu ce déclic, que vous vous êtes dit, bon allez, ça y est maintenant je vais publier mes livres ?
  • Et par rapport à votre côté humoriste, vous parlez également de tous ces thèmes : le sexisme, l’homophobie, l’intégration, le racisme, vous avez l’impression que grâce à l’humour, certains messages passent mieux ? Vous le ressentez quand vous faites vos stand-ups ?
  • Vous avez envie de surprendre ?
  • C’était même pas voulu à la base ? Mais c’est grâce à l’humour que vous surprenez et que vous arrivez à faire passer des messages que vous voulez faire passer ?
  • Vous vouliez surprendre aussi avec votre couverture, cette mise en scène, c’était le but ?