Les débats autour du changement de titre d’un livre

Je continue à être débordée, d’où l’absence de nouveaux posts depuis 2 semaines. J’écris ceci au son de la perceuse qui fait des trous dans un appartement voisin. Cela fait maintenant une semaine que je vis dans le bruit quasi constant et que j’écoute des playlists de relaxation à fond dans mon casque antibruit quand je ne suis pas en cours. Et en fait, cette situation m’a poussée à agir et j’ai décidé de déménager. Je voulais le faire dans quelques mois de toutes façons et il s’est avéré que maintenant était le moment idéal pour le faire : beaucoup de logements disponibles et prix cassés pour cause de COVID, combo idéal.

J’ai trouvé un appartement à mon gout et je vais pouvoir me remettre bientôt à écrire pour ce blog un peu plus régulièrement j’espère.

Je n’ai pas beaucoup écrit ces derniers temps, mais j’ai créé pas mal de nouvelles ressources pour un nouveau projet et j’ai beaucoup lu. En anglais principalement, mais je vais me remettre à lire en français très bientôt et j’espère pouvoir recommander quelques livres avant la fin de l’année.

Je n’ai pas été très connectée au monde extérieur non plus, en tout cas moins intensément que d’habitude, et ça fait du bien de faire une petite pause. Mais les podcasts ont repris après la pause estivale et j’ai recommencé à en écouter. J’ai entendu parler d’une nouvelle polémique bien française, le pays où les gens veulent conserver leur droit à être racistes (et sexistes, etc. mais ce n’est pas le sujet du jour) et j’ai trouvé cet article de Rokhaya Diallo sur le sujet, que je vous propose d’analyser ci-dessous. Depuis la publication de cet article, il semblerait que le débat ait continué en France, et que Sarkozy, l’ancien président de la France, ait tenu des propos bien racistes sur un plateau de télévision. Rokhaya Diallo et Grace Ly en parlent avec Thomas Rozec dans l’épisode 407 de Programme B.

Je ne suis pas vraiment surprise, mais je continue à me demander quand tout ceci prendra enfin fin.

Voici l’article avec en rouge des verbes, des constructions verbales, des collocations contenant des verbes, en vert, du vocabulaire, et en bleu, des connecteurs. Libre à vous d’analyser plus d’éléments, ou de vous concentrer sur un seul en particulier, selon vos besoins, vos envies, votre humeur, etc. Tout nouveau mot appris, toute nouvelle expression, toute nouvelle réalisation est un progrès !

Livre : Nord perdu

Extrait :

Certains monolingues croient ingénument que, pour passer d’une langue à l’autre, il suffit de disposer d’excellents manuels et dictionnaires. Que nenni ! Ces outils sont même à peu près inutiles pour la communication courante. La prochaine fois que vous prenez les transports en commun, imaginez qu’un étranger se trouve à vos côtés et qu’il vous incombe de lui traduire, mot à mot, tout ce que vous entendrez au cours du trajet. C’est une tâche pour ainsi dire impossible. Ecoutez bien les gens. Que marmonnent-ils dans leur barbe ? “Putain il fait beau !”, “Eh ben dis donc !”, “M’en fous”, “Pis quoi encore ?”, “Ras-le-bol à la fin”, “Bon ça y est, je me casse”, “N’importe quoi !”… C’est lorsque ces mille syntagmes opaques deviennent enfin transparents que l’on commence à connaître réellement une langue.

Et encore : on ne la connaîtra jamais comme les natifs la connaissent. Il m’arrive encore, non pas chaque jour mais plus souvent que je n’aime à me l’admettre, de tomber sur un mot en français que je jurerais n’avoir jamais vu… alors que mes enfants, eux, le connaissent parfaitement. Comment cela est-il possible ? La mémoire des enfants est une éponge (le savoir y pénètre et s’y accumule), celle des adultes, une passoire (le savoir la traverse) !

D’autre part, ce n’est pas parce qu’on a appris un mot qu’on est capable de s’en servir…

Dîner avec des amis monolingues l’autre soir, A. et S. : très étonnés de m’entendre dire qu’il existe dans la langue française des mots, des façons de parler dont je suis, moi étrangère, incapable de me servir dans une conversation. “Quoi par exemple ?

– Eh bien… le passé simple.

Oh, ça ne compte pas, il n’y a que les académiciens qui se servent du passé simple en parlant ! C’est grotesque. Quoi d’autre ?

– Eh bien…, par exemple… : Ça me gonfle. Ça je ne peux pas le dire. Ou certains termes d’argot : des anglicismes comme news, challenge, look ; des abréviations comme perso.

– Oh ça ne compte pas, ce n’est pas une question de langue mais de génération, de milieu…

– Alors le cas échéant, surtout avec la liaison : lecazéchéant. Ça, je ne peux pas le dire.

– Oh, ça ne compte pas, c’est une question de niveau de langue, c’est une expression légaliste…”

Et ainsi de suite. Ils ne me croyaient pas ! Il ne comprenaient pas !… Alors que, bien sûr, eux aussi. Et vous aussi. Tous, nous incluons certains mots et tournures dans notre vocabulaire actif et en excluons d’autres. Seulement, l’exilé linguistique le fait après mûre, ardue, obsessionnelle pour ne pas dire paranoïaque réflexion.

Nord Perdu, Nancy Huston, 1999

Nancy Huston est canadienne anglophone. Elle écrit en français et en anglais et traduit ses propres livres. Cela faisait une éternité que je voulais lire ce petit livre qu’est Nord perdu et j’ai enfin pris le temps de le faire un soir cette semaine. Il ne contient qu’une centaine de pages, je l’ai donc lu d’une traite, tout en prenant quelques notes. L’autrice y parle de son expérience d’exilée, de son expérience de bilingue, de sa quête d’identité, 25 ans après s’être installée en France, et tellement de ses réflexions ont résonné en moi.

Ce livre devrait parler à toute personne ayant appris une autre langue que sa langue maternelle et/ou s’étant exilée dans un pays où elle doit vivre dans une autre langue que la sienne.

Pour perdre du poids, le sport n’est pas la meilleure solution

Rien de bien transcendant dans cet article pour ce qui est du fond. Je pense qu’on a tous entendu dire que si l’on voulait perdre du poids, l’alimentation était plus importante que le sport, même si avoir une activité physique avait son importance aussi.

Mais, à la lecture de l’article, quelque chose me paraissait étrange. Je trouvais le style un peu trop scolaire, manquant un peu de naturel. Je me disais que cela aurait pu être écrit par un·e de mes élèves de niveau avancé. Et arrivée au bout, j’ai compris pourquoi : c’est une traduction ! L’article original a été écrit en espagnol. Si la suite vous intéresse, elle est ici.

Ce n’est pas un texte très compliqué, mais il y a quelques éléments intéressants. J’ai surligné en bleu les connecteurs logiques, en vert les prépositions, en jaune les pronoms compléments et j’ai mis en gras et en bleu le vocabulaire des régimes et souligné du vocabulaire à observer. Je ne vais pas tout détailler, mais je vais faire une petite analyse à la suite du texte.

Vocabulaire des régimes : en français, on perd ou on gagne du poids. Le même vocabulaire que si l’on jouait. L’ironie cependant, c’est que c’est en général mal vu de gagner dans ce contexte. Il y a une nette tendance à la grossophobie en France. Elle existe partout, il me semble, mais me parait bien plus forte en France que dans d’autres pays où j’ai vécu. Il en résulte que l’on parle énormément de poids et de régime. Par conséquent, connaitre le vocabulaire autour de ce thème peut être intéressant, si ce n’est que pour pouvoir débattre avec des Français et leur expliquer que leur point de vue est dépassé et que gagner du poids ne fait pas d’une personne une mauvaise personne ou perdre du poids une personne avec plus de valeur.

  • faire de l’exercice : une autre façon de dire faire du sport
  • j’ai une tendance au surpoids : observez la structure avoir tendance à + NOM
  • depuis : quelque chose me chiffonne dans cette phrase. On a depuis + passé composé. Après avoir lu l’article original (desde hace unos años, mis cifras de glucosa en sangre me colocan al borde de la diabetes), je me dis que je cela aurait pu être mieux traduit. Je ne suis pas experte en traduction, mais je dirais plutôt : depuis quelques années, mon taux de glucose dans le sang me place aux portes/à la limite du diabète. Avec un présent, pas un passé composé qui sonne faux.
  • m’ont emmené : observez le pronom et l’accord du participe passé – on sait que c’est un homme qui écrit. Si c’était une femme, on aurait m’ont emmenée.
  • m’y poussent : me poussent à manger – pousser qqn à faire qqch
  • rien de très méchant : on pourrait aussi dire rien de bien méchant, rien d’exceptionnel
  • m’obliger à : obliger qqn à faire qqch
  • le vélo stationnaire : aussi appelé vélo d’appartement
  • je me suis alors mis à : j’ai alors commencé à – se mettre à faire qqch
  • le pédalage : mots de la même famille : une pédale, pédaler, un pédalier.
  • peu importent : remarquez l’accord. Si je vous dis que l’on aurait pu aussi l’écrire peu importe, ça vous parle ?
  • durant : synonyme de pendant
  • enfourcher un vélo : on peut aussi enfourcher une moto, ou un balai si l’on est une sorcière 😉
  • comme un malheureux : il sous-entend qu’il pédale à fond, que ses efforts sont considérables
  • tout ce que : remarquez le pronom neutre ce entre tout et que – les apprenant·e·s l’oublient très souvent !
  • j’ai tendance à avoir froid : avoir tendance à + INFINITIF
  • les matins lorsque j’ai pratiqué : j’ai un petit problème avec cette structure ! Je dirais plutôt : les matins où j’ai pratiqué
  • ce que / le : ils désignent la même chose – quoi donc ?
  • il me fait avoir froid : observez la structure faire avoir froid à qqn et réfléchissez un peu plus à faire + infinitif

Les traductions françaises des titres de films étrangers

Je ne vais parler que de films anglophones car je connais beaucoup moins bien le sujet dans d’autres langues.

Je me suis fait la remarque récemment que les films américains sortaient dans les salles françaises sous leur titre original de plus en plus. Beaucoup plus que quand je vivais encore en France.

Il y a toujours eu des films traduits littéralement, tels que Robin des bois, prince des voleurs, pour Robin Hood : Prince of Thieves, ou encore 12 hommes en colère pour 12 angry men.

Toutefois, il y a aussi des titres traduits d’une telle façon qu’il est parfois difficile, voire impossible, de savoir quel est le titre original. Cela m’est arrivé plus d’une fois en cours d’évoquer un film très connu avec son titre français et de voir que mes étudiant·es n’avaient aucune idée de quel film je parlais.

Et vous, si je vous donne des titres de films en français, saurez-vous dire de quels films il s’agit ? En voici 15. Certains sont plus récents que d’autres. Je vous aide avec les dates. :

  • Les évadés (1994)
  • Les infiltrés (2006)
  • Les affranchis (1990)
  • Le train sifflera trois fois (1952)
  • La couleur des sentiments (2011)
  • Voyage au bout de l’enfer (1978)
  • Les dents de la mer (1975)
  • Tant qu’il y aura des hommes (1953)
  • Tendres passions (1983)
  • La mort aux trousses (1959)
  • Sueurs froides (1958)
  • Le grand jeu (2017)
  • Macadam cowboy (1969)
  • New-York-Miami (1934)
  • Very bad trip (2009) – comme s’en amuse le comédien britannique Paul Taylor, ce titre est la traduction choisie en France pour traduire un titre en anglais, sans aucun rapport avec le titre original.

Vous pouvez chercher les réponses en ligne bien sûr, ou vous pouvez les trouver ici.

Connaissez-vous Panpan, Polochon et Eurêka ?

Vous savez certainement que se joue dans les salles en ce moment le film Aladdin. J’ai tellement aimé le dessin animé sorti en 1992 que je n’ai pas vraiment envie d’aller voir le film. Et pourtant, j’aime Will Smith. Mais après avoir vu la bande-annonce, j’ai eu l’impression que c’était exactement comme le dessin animé, avec les chansons et tout et tout. Et j’ai tellement regardé le dessin animé que je ne vois pas l’intérêt d’aller voir le film, même si on m’en a dit du bien.

Une de mes étudiantes m’en a parlé et je lui demandé si elle connaissait les chansons en français, mais évidemment que non. Qui les connait à part les francophones qui regardent les versions doublées en français ? Quand j’étais ado, je jouais aussi à Aladdin en jeu vidéo, dans lequel on entendait les mélodies des chansons et donc, j’ai beaucoup fredonné, chanté ou eu dans la tête la bande originale du dessin animé. Je peux vous chanter Ce rêve bleu à tue-tête sans préparation. Mal, mais je connais les paroles. Je ne les connais pas en anglais par contre. Je parle bien sûr de la chanson A whole new world. Je dis bien sûr, mais en fait, ce n’est pas évident, car la traduction n’est pas tout à fait exacte. Comment on passe de a whole new world à ce rêve bleu n’est pas très clair pour moi. On retrouve le même phénomène avec de nombreux titres de films traduits en français n’ayant rien à voir avec le titre original.

Et si on reste dans le monde de Disney, il y a certains personnages que je suis certaine que vous connaissez en anglais, mais si je vous donne leur nom français, vous ne saurez pas de qui je parle : Panpan ? Polochon ? Eurêka ? Monsieur Mouche ? Dame Gertrude ? Triste Sire ?

  • Panpan est le lapin, ami de Bambi, que vous connaissez sous le nom de Thumper en anglais. Pan pan est aussi l’onomatopée pour un coup de pistolet.
  • Polochon est le poisson, ami d’Ariel la petite sirène, que vous appelez Flounder en anglais. Un polochon, c’est un traversin. Si vous ne savez pas ce que c’est, c’est un oreiller en forme de boudin qui prend toute la largeur du lit. Rien à voir avec un poisson ou l’eau.
  • Eurêka est aussi un copain de la petite sirène. C’est la mouette qui pense connaître le monde des humains mais qui dit n’importe quoi. En anglais, il s’appelle Scuttle. Eurêka est le même mot qu’en anglais et donc une interjection pour exprimer qu’on a découvert ou compris quelque chose.
  • Monsieur Mouche est l’acolyte du Capitaine Crochet (Hook) dans Peter Pan. Smee en anglais. Une mouche est un insecte.
  • Dame Gertrude est l’amie de Belle Marianne dans Robin des Bois. Marianne et Robin dont des renards, et Dame Gertrude est une poule.
  • Triste Sire est le serpent dans Robin des Bois.

Les chansons sont toutes traduites évidemment et comme je regardais tout ça quand j’étais enfant et ne parlais pas anglais, je connais surtout les chansons en français pour tous les Disney sortis avant 2000. Je crois que je suis incapable de chanter une seule chanson d’un film Disney en anglais en fait. Mais en français, je suis un jukebox (j’ai longtemps travaillé avec des enfants 🙂 ).

Une de mes préférées :